1. Attouchements ➡ agressions sexuelles
« Attouchements », c’est un mot qui n’existe pas dans le Code pénal, dans la loi française. Donc quand on parle d’attouchements, on décrit quelque chose qui n’est pas qualifié. Souvent quand on parle d’attouchements, on parle en réalité d’une main aux fesses ou d’une main sur les seins, c’est-à-dire d’une agression sexuelle.
Imaginez, vous êtes en soirée avec des potes, et là, vous avez une copine qui dit : « Oh là là, hier dans le métro j’ai été victime d’un attouchement. » Et puis une heure après, vous avez une autre copine qui dit : « Oh là là, hier soir dans le métro, j’ai été victime d’une agression sexuelle. »
Laquelle des deux expressions paraît la plus grave ? Sur laquelle des deux expressions vous vous dites : « Waouh, il y a un truc vraiment grave qui s’est passé » ? Sur la deuxième, sur l’agression sexuelle.
Parce que ces mots, « agression sexuelle », qualifient les choses de manière juste. Le mot attouchement va avoir tendance à euphémiser la réalité, à la faire passer pour moins grave qu’elle n’est.
2. Frotteur ➡ agresseur sexuel
Le mot « frotteur », c’est un mot qui va complètement déqualifier la gravité des faits. On pourrait presque dire que c’est presque joli. « Oh, il m’a frottée, bon. » C’est mignon, quoi, il n’y a pas de chose grave derrière le fait de frotter quelqu’un.
Alors qu’en fait, agresser sexuellement quelqu’un, c’est grave. C’est un délit qui peut être puni de 5 à 10 ans de prison selon la loi française.
3. Gestes déplacés ➡ harcèlement sexuel ou agressions sexuelles
L’expression « gestes déplacés », il y a un autre problème, c’est qu’elle peut qualifier des choses extrêmement différentes. Lorsqu’on dit « gestes déplacés », on peut parler du fait de mimer, par exemple, un acte sexuel.
Au travail, si vous avez un collègue qui, tous les matins quand vous arrivez au bureau, vous mime un acte sexuel et que ça génère chez vous du stress, du malaise, ça s’appelle du harcèlement sexuel. Un geste déplacé, ça peut être aussi une main aux fesses. Ça, c’est une agression sexuelle.
Le terme « gestes déplacés », non seulement il banalise, comme les autres termes, mais en plus il brouille les pistes, parce qu’on parle de
« gestes déplacés », mais on ne sait pas vraiment de quoi on parle.
Une agression sexuelle, c’est un contact physique avec une partie sexuelle. Qu’est-ce que c’est une partie sexuelle ? Il y en a cinq définies dans la loi, dans la jurisprudence : les fesses, le sexe, les seins, la bouche – un baiser forcé par exemple – ou entre les cuisses. Un contact commis par surprise, contrainte, menace ou violence sur une de ces cinq zones est considéré comme une agression sexuelle.
4. Abus sexuels ➡ agressions sexuelles ou viols sur mineur
« Abus sexuels », c’est un terme intéressant à plein de titres. D’abord, parce qu’il n’existe pas dans le Code pénal. Et quand on parle d’abus sexuels, en général, on parle d’agression sexuelle sur mineur ou de viol sur mineur.
Le deuxième problème avec le mot « abus » – dans le langage français, je ne parle pas de son utilisation en anglais – c’est qu’il signifie qu’on a dépassé une limite. Vous avez mangé un peu de chocolat, beaucoup de chocolat, vous avez abusé. Vous avez passé un peu de temps sur les réseaux sociaux, beaucoup de temps, vous avez abusé. Là vraiment, vous êtes allé trop loin, c’est de l’abus.
Est-ce que, en matière de violence sur les enfants, on peut dire :
« Là ça va, là ça va, et puis oh ! Oh bah non, là, tu as abusé. » Bah non, ça ne fonctionne pas, en fait. Ça ne fonctionne pas. On ne peut pas abuser d’un enfant.
5. Pédophile ➡ pédocriminel
Lorsqu’on parle de « pédophilie », on utilise un mot dont l’étymologie est l’amour des enfants. Est-ce que la pédophilie a quelque chose à voir avec l’amour des enfants ? Pas du tout. Pas du tout.
Le mot que j’utilise en général, c’est plutôt « pédocriminel », ou
« pédocriminalité », parce qu’il permet de mieux qualifier les choses et de rendre compte de la gravité des actes.
6. Drame conjugal ➡ meurtre aggravé ou féminicide
Quand on parle de « drame conjugal », on fait appel au vocabulaire un peu cinématographique, un « drame », vous voyez.
Le terme « drame conjugal », on peut le remplacer par meurtre aggravé, qui correspond à la définition du Code pénal, ou par féminicide, qui qualifie un meurtre d’une femme par son conjoint ou son ex-conjoint.
En tout cas, les expressions « drame conjugal » et « drame passionnel » doivent disparaître de notre vocabulaire parce qu’elles ont tendance à banaliser la réalité des faits et à masquer la responsabilité des personnes violentes.
En matière de langage, chacune et chacun peut agir. Évidemment que les médias, les journaux, les télés, ont une responsabilité importante. Mais chacune et chacun d’entre nous peut faire bouger les lignes.
Les expressions qu’on emploie, les mots qu’on emploie, ils vont avoir un impact sur les victimes, qu’on va parfois culpabiliser, et sur toute la société, parce qu’on va avoir tendance à banaliser.
Et au-delà, ils vont aussi avoir un impact sur les personnes qui harcèlent ou qui agressent. Parce que, lorsque vous commettez une violence, si toute la société a tendance à la banaliser, c’est plus difficile de prendre conscience de ses actes et donc potentiellement de les changer.
Pour aller plus loin
« Les mots tuent », un blog qui compile des articles pour dénoncer le traitement journalistique des violences faites aux femmes. |
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